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  AINA HEMOLELE      
         

 
Résumé

L‘idée d’écrire ce livre n’est pas neuve. C’est mon intéret pour le Pere Damien qui en est l’origine. Alors que j’avais 15 ans et étais lycéen, j’avais lu sa biographie, une traduction d’un auteur allemand Wilhelm Hünermann: „Priester der Verbannten“. En cette période ou j’entrais dans la vie, je cherchais mon propre chemin avec motivation et ardeur. J’étais intéressé par tout ce qui était nouveau et inconnu. Mon plus profond désir était que ma vie sur cette terre soit remplie de joie, une joie a partager avec ceux qui seraient a mes côtés. C’est ainsi que, comme tout jeune qui aspire a une vie remplie de valeurs, j’ai moi aussi cherché a me raccrocher aux piliers, aux modeles, aux héros qui m’inspiraient et m’enthousiasmaient.
Rien d’étonnant alors qu’ a cette époque, jeune désireux d’idéaux et d’appuis vitaux que j’étais, je fus impressionné par la vie du Pere Damien. Elle a été pour moi comme cette pluie d’orage qui arrose une terre aride ou végete une plante flétrie. L’exemple du Pere Damien a éveillé en moi le désir d’étudier la théologie, de devenir pretre, de travailler au milieu de gens éprouvés et souffrants. Apres plusieurs années, ce désir s’est concrétisé, mais d’une maniere bien différente, qui n’a pas suivi le chemin classique vers le sacerdoce.
En Tchécoslovaquie, sous le régime communiste, il n’était pas possible d’entreprendre librement et ouvertement des études de théologie, meme si, a cette époque, existaient officiellement deux séminaires catholiques tenus de respecter, lors des inscriptions, un numerus clausus. La théologie n’était accessible qu’a celui qui en avait la permission du régime communiste. J’ai eu la chance de faire partie du petit nombre de ces élus. Cependant, apres deux ans d’études, j’ai été renvoyé de la faculté de théologie avec comme motif le manque d’intéret de celles-ci pour l’état socialiste. Mais mon cheminement vers le sacerdoce ne s’est pas arreté la. Pendant toute une période j’ai étudié en secret. Par la suite, émigré en Autriche, j’ai officiellement poursuivi mes études de théologie a Rome pour finalement exercer mon ministere sacerdotal a Vienne. La Providence a voulu alors que mon cheminement inhabituel se poursuive d’une façon encore moins conventionnelle. En effet, apres trois années d’exercice sacerdotal, je pris la décision de me marier; en conséquence de quoi il m’est devenu interdit d’exercer officiellement mon ministere. J’ai donc travaillé dans un hôpital pour malades cancéreux. Assez rapidement, j’ai pu constater qu’au sein de cette clinique, ma mission sacerdotale se poursuivait toujours, mais d’une toute autre maniere.
Les nombreuses rencontres que j’ai eues avec les personnes en situation de crise ou en fin de vie m’ont permis parfois d’occuper la place du confesseur ou du compagnon bénissant et communiant avec l’autre pour cheminer avec lui. J’ai alors perçu ma pretrise comme une mission existentielle qui m’était offerte par Dieu lui-meme. Et aujourd’hui, apres plus de 16 années de cet exercice, je constate que durant tout ce temps le Pere Damien m’a inspiré et soutenu spirituellement. Je me suis donc naturellement posé la question d’un voyage a Molokai, lieu de son travail. Si j’avais été encore pretre religieux, sans doute n’aurais-je jamais reçu la permission et les moyens financiers pour ce voyage aussi lointain et exigeant. Mais étant donné ma situation, aller a Molokai m’était possible. J’étais libre de pouvoir réaliser mon désir de jeunesse et grâce a mon travail, j’étais financierement indépendant. Le voyage et le séjour aux îles Hawaii ne sont ni simples ni bon marché, il a fallu donc du temps avant que je ne l’entreprenne. Le premier voyage que j’ai fait, en 1998, m’a tellement touché que j’ai éprouvé le désir de connaître au maximum ce milieu et tous les faits de la vie du Pere Damien. Je voudrais souligner que pendant tous les voyages a Molokai qui ont suivi, il y eut des rapports harmonieux de cohérence et de circonstance. Le premier a été la rencontre avec le pretre catholique missionnaire de la Congrégation du Sacré Coeurs, le P. Joseph Hendriks de Belgique. Il travaille a Hawaii depuis 1951, est grand admirateur de Pere Damien et connaît tres bien les coutumes locales. D’emblée nous avons sympathisé et notre premiere rencontre a provoqué une chaîne de réactions spontanées: des lettres, des entretiens téléphoniques et surtout des invitations a Kalaupape. Sans ses invitations et ses faveurs, il m’aurait été impossible d’investir le lieu de vie des habitants de ce hameau. Elles m’ont en effet donné l’occasion de connaître ce milieu fermé pour un non initié et d’y vivre au cours de mes huit visites jusqu’en 2005.
Un personnage connu, l’auteur du livre „Pilgrimage and Exil“ au sujet de la Mere Marianne de Molokai, soeur de Mary Laurence Hanley de New York, a qui j’ai soumis mon texte, m’a écrit: „Si tu veux obtenir un maximum de données au sujet du Pere Damien, des autres missionnaires et des bénévoles qui travaillent dans la colonie, tu n’as pas besoin de voyager a Molokai, il suffit de te rendre aux archives mondiales ou se trouvent leurs lettres et autres matériaux historiques“. A cette époque je lui répondis: „Vous avez raison. Mais pour moi, il est tout aussi important de connaître le pays, le lieu, la culture, les traditions et surtout de faire connaissance avec les habitants, expérimenter sur ma propre chair le soleil brulant, déguster les fruits de cette terre, toucher les blessures des gens qui souffrent de la lepre, regarder leurs yeux et dans le silence et l’humilité écouter la voix de leurs coeurs...“.
Ces deux personnalités m’ont introduit aupres d’autres membres de la Congrégation du Sacré Coeurs en Belgique: d’une part au pere Paul Macken, l’un des plus grands spécialistes contemporains de la vie du pere Damien De Veuster, d’autre part monsieur Erik de Backer, dernier membre de la famille du pere Damien. La rencontre de ces derniers et leurs invitations ont été pour moi l’une des meilleures sources de précieuses informations le concernant.
Au cours de mes premiers voyages a Molokai, je me suis intéressé a la personne du Pere Damien dans le but d’animer des conférences illustrées de diapositives au sujet de son message. J’aime photographier, j’ai toujours été intéressé par l’idée de mener des conférences accompagnées de diapositives. Sous le régime totalitaire en Tchécoslovaquie, je me suis attaché a passer des films et des diapositives sur des themes chrétiens. J’ai donc voulu rassembler le maximum d’informations, de musiques et de photos pour réaliser un montage avec des commentaires vivants concernant Molokai et tout ce qui s’y passe. Ce travail avait par ailleurs pour but de toucher et d’encourager l’homme d’aujourd’hui, vivant dans une société gâtée, stressée et de plus en plus vidée d’esprit.
Pour mes exposés j’ai employé une technique professionnelle. Je me suis servi de plusieurs dia-project d’ordinateurs, de bandes-son et d’un commentaire en direct. J’ai donné des conférences pendant six ans, parallelement a mes activités professionnelles a l’hôpital. En janvier 2005 j’avais 120 conférences a mon actif, dans toute l’Europe centrale: Autriche, Allemagne, République Tcheque, Slovaquie. J’ai encore d’autres invitations en provenance de Pologne et d’Ukraine, mais leur réalisation est actuellement en attente car cette activité me coute beaucoup d’énergie et de temps.
Mon activité ne s’est pas limitée a la réalisation de ces conférences. Mes voyages a Molokai et mes visites aux importantes archives mondiales m’ont dévoilé non seulement une nouvelle image et une meilleure connaissance du Pere Damien, mais m’ont aussi fait découvrir d’autres personnalités splendides qui, comme lui, ont généreusement travaillé au bien-etre des personnes souffrant de la lepre.
Cela m’a beaucoup surpris!
La biographie d’Hünermann m’a peu appris sur des personnalités telles que Joseph Dutton, Mere Marianne, Pere Lambert Conrardy. J’ai pu amasser, jusqu’au jour d’aujourd’hui, de nouvelles informations non seulement a leur sujet mais aussi au sujet d’autres personnalités remarquables, en particulier sur le Pere d’Orgeval - un français ayant vécu dans la colonie de 1927 au 1947. Dans l’un des musées visités j’ai pris connaissance de la lettre qu’il a écrite au déclin de sa vie pour dire „au revoir“ a la population de Kalaupape: „Si je meurs et le médecin disseque mon corps, il trouvera inscrit profondément dans mon coeur le mot Kalaupape“.
Les lecteurs slovaques et tcheques connaissent quelque peu le Pere Damien, mais presque rien des autres missionnaires. C’est cela qui, en premier lieu, m’a motivé pour écrire ce livre dans ma langue maternelle, meme si j’avais aussi pensé le faire en allemand ou en anglais.
Les lecteurs des pays comme la Belgique, la France, l’Allemagne, les USA et surtout les îles d’Hawaii sont beaucoup mieux informés grâce aux publications aussi diverses que nombreuses déja existantes. Ils ne connaissent cependant que tres peu le Pere Pierre d’Orgeval. C’est au moment ou j’ai découvert sa magnifique phrase que je me suis mis a rassembler des documents a son sujet. Dans ma recherche de sources aux archives a Paris, le Pere André Mark m’a fourni une aide considérable.
Je pense que sa biographie (faisant partie de ce livre), tout comme l’histoire de ceux que j’ai pu connaître, pourrait, de par mon approche spécifique – celle d’une personne issue d’un ex-pays communiste - etre un apport enrichissant pour les membres des autres pays.
J’ai consacré beaucoup de temps et de patience a la collecte de toutes ces informations. Par devoir d’honneteté et de responsabilité j’ai visité tous les musées et archives ou j’ai eu la possibilité d’étudier directement les originaux et en faire des copies: a Leuven en Belgique, aux archives de la maison générale de la Congrégation a Rome, aux archives de la maison provinciale a Paris, a la Medical Library, aux ‘State Archives’, University of Hawaii et au Musée Bishop a Hawaii.
Mon voyage a Molokai a été initialement mené dans le but d’étudier la vie de Pere Damien. Mais il m’est vite apparu impossible d’y circuler et d’y vivre sans preter attention aux populations locales. Il a effectivement fallu trois ans pour que ces gens s’habituent a moi. Nos rencontres et la confiance qu’ils m’ont accordée font partie des plus beaux moments de ma vie. J’ai visité de nombreux pays a travers le monde, connu diverses cultures et populations, mais nulle part je n’ai rencontré des personnes aussi belles et spirituelles qu’a Molokai. Ces gens-la ont simplement besoin de temps pour accepter un étranger - et j’en étais un a mon arrivée – rencontré par hasard. Mais si votre regard croise le leur, si vous réussissez a entrer dans leur intérieur, vous découvrirez un peuple tres précieux, malheureusement en extinction. Ils sont si différents de nous. La vie en isolement les a marqués et imprégnés de spiritualité. Ils se trouvent déja bien au-dela de l’horizon, ils nous ont dépassés. Ils ont appris non seulement a habiter un morceau de terre de moins de 15 km2, mais aussi a vivre dans la simplicité, la modestie, sans prétention – ils sont devenus des etres spirituels. Tous sont unis dans la foi en Dieu et la croyance en la vie apres la mort, meme s’ils sont d’origines religieuses diverses. A Kalaupape ils forment tous une grande famille, vivent en freres et soeurs. J’ai donc décidé de consacrer une place dans mon livre a quelques-uns d’entre eux.
Ce livre est constitué de deux parties. Dans la premiere je traite de la lepre et de sa propagation au cours de l’histoire, de son importation a Hawaii; de la création de la nouvelle colonie et de la vie de la premiere communauté en son sein, et surtout de la vie de missionnaires - laiques ou bénévoles – en commençant par le Pere Damien. L’idée centrale de cette partie renvoie a l’amour altruiste et gratuit des missionnaires inscrits éternellement dans l’histoire de l’humanité, méritant que le plus grand nombre de nos contemporains les connaissent. Dans la seconde partie j’ai rassemblé des dialogues avec les habitants du hameau, ainsi que des renseignements divers et variés donnant une idée de la vie quotidienne dans une colonie. N’étant pas journaliste, je n’ai utilisé dans mes entretiens ni microphone, ni magnétophone. J’ai laissé libre cours a ce qu’ils ont voulu me dire. Ce n’est que par apres que j’ai pris le temps de m’asseoir et de rédiger les notes concernant ces entretiens.
Je reconnais que plusieurs détails m’ont échappé; cependant je suis satisfait d’avoir procédé ainsi car cette maniere de faire m’a permis de jouir pleinement de leur présence. Les différents passages de ce livre sont reliées par un fil conducteur: la présence de la personne du Pere Damien.
Aina Hemolele – la terre sainte, Molokai, voila comment, apres huit années d’études, j’ai décidé de nommer ce lieu. Quelques milliers de personnes vivent en isolement sur ce petit bout de terre. Cette terre imprégnée de leurs larmes, de leur tristesse, de leur douleur, de leur solitude, de leur peur et de leur angoisse; de leur sang, du pus de leurs blessures et de leurs plaies. Et par-dessus tout, ses entrailles cachent les restes de leurs corps.
Chaque motte de cette terre témoigne de leur souffrance, mais elle jouit également de l’honneur d’avoir été hôte de quelques grands de notre humanité: Pere Damien, Mere Marianne, Pere Lambert Conrardy, Pere Pierre d’Orgeval et bien d’autres qui leur ressemblent.
Tous ceux que j’ai rencontrés au cours de mes longs séjours a Molokai m’ont confirmé ce que j’ai ressenti lors de mon premier passage: ce lieu est comblé d’une énergie qui rayonne avec magie. Cette terre mérite, grâce a son histoire, d’etre un mémorial pour les générations futures et leur rappeler les profondeurs de la souffrance et de l’amour. Cette terre a le droit de s’appeler AINA HEMOLELE.

Peter Zaloudek